À la fois vecteur et manifestation de la « première » mondialisation dans la seconde moitié du XIXe siècle, le sport est devenu en l'espace d'un siècle une pratique planétaire dont les disciplines recouvrent des géographies complexes et inattendues.
Du cricket indien au rugby néo-zélandais en passant par le football africain et latino-américain, on peut se demander comment ces nouvelles pratiques anglaises se sont implantées dans les empires formels et informels (britanniques, français, espagnols, japonais, américains, etc.) par le biais des marins, des missionnaires, des instituteurs, des ingénieurs des chemins de fer, des colons et des militaires.
L'essor du sport « moderne » bénéficie du renouveau de l'expansion coloniale, auquel il participe largement en diffusant de nouvelles pratiques et valeurs au service du projet social et culturel impérial. La « sportivisation » des sociétés métropolitaines et coloniales participe d'une seule et même « mission civilisatrice ». Au-delà de la perpétuation du lien communautaire entre les colons, le sport a pour fonction de discipliner le corps de l'« indigène » et moraliser son comportement social.
Toutefois, le sport en situation coloniale ne se réduit pas à l'exportation et à l'imposition de normes européennes et de codes sociaux aux sociétés autochtones. Les pratiques sportives sont réinventées, réappropriées, transformées au contact des populations colonisées. Ainsi, la « créolisation » du football latino-américain et « l'indigénisation » du cricket indien révolutionnent la technique, le style de jeu et la géopolitique du sport. De nouvelles identités nationales se fondent en partie sur des disciplines sportives et le sport représente très tôt un terrain d'affrontement où les populations colonisées remettent en question la domination européenne.
Ce livre adopte une démarche comparative et pluridisciplinaire : il s'agit d offrir pour la première fois une analyse globale des pratiques sportives dans les empires coloniaux contemporains, en étudiant les enjeux politiques, culturels, sociaux et économiques de la première mondialisation du sport du milieu du XIXe siècle aux décolonisations.
Pierre Singaravélou, maître de conférences en histoire contemporaine à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et chercheur à l IRICE (CNRS/Paris 1/Paris 4), étudie les empires coloniaux français et britannique aux XIXe et XXe siècles. Julien Sorez, agrégé d histoire et chercheur associé au Centre d histoire de Sciences Po, travaille sur l'histoire du sport au XXe siècle.
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