Pour l’anthropologue François Laplantine, découvrir Tokyo, c’est d’abord se défaire des images et idées préconçues, se laisser surprendre, accueillir les émotions et observer la scène urbaine telle qu’elle se livre et s’expose.
Attentif aux transformations du paysage citadin, aux attitudes corporelles des passants, aux modes vestimentaires des adolescents, aux flux et réseaux de circulation, à la signalétique ou aux formes esthétiques, il décrit avec un sens aigu du détail sensible, un lieu perpétuellement changeant. Un espace dans lequel la vie sociale apparaît également fluctuante, ou rien n’est permanent, ni univoque. La nature, qui est à l’état brut un péril menaçant, est apprivoisée et célébrée. L’hyperconsommation, bâtie dans une culture de la méditation, est aussi tempérée par une retenue venue du bouddhisme. Et tandis que le capitalisme affiche sa logique de la performance, les comportements individuels ont souvent quelque chose de flou, de rêveur, d’indécis. D’où cette impression de fluidité, de flottement décontracté.
Mais n’y aurait-il pas un envers du décor ? La littérature, et plus encore le cinéma, donnent en effet une autre vision de la ville et de la société japonaises, plus âpre, plus sombre ou plus angoissée, entre l’éclat de la révolte et la hantise de la disparition. Confronter les deux, dans cet étonnant parcours, tout à la fois visuel, émotionnel et réflexif, c’est mettre le regard et la pensée à l’épreuve.
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